EXPOSITIONS UNIVERSELLES

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EXPOSITIONS UNIVERSELLES

EXPOSITIONS UNIVERSELLES

De tout temps, il y a eu des foires: internationales, nationales ou spécialisées. En France, après la proclamation de la liberté du travail de 1791 (abolissant les corporations), est organisée, dès 1798, une «exposition des produits de l’industrie française». Ces expositions nationales allaient se tenir sur le Champ-de-Mars jusqu’en 1849: bien qu’il s’agisse déjà de glorifier l’industrie, elles n’auront que peu de rapports avec les gigantesques Expositions universelles qui leur succèdent. En 1849, en France, les chambres de commerce refusent d’ouvrir les portes à la marchandise étrangère: l’industrie française est protectionniste. C’est alors l’Angleterre qui en prend l’initiative (elle n’a rien à perdre au libre-échange), avec une audace qui ne peut se comprendre que par son essor industriel, audace qui s’exerce en premier lieu sur l’architecture. Le Crystal Palace, qui abritera The Great Exhibition of All Nations (en 1851, à Londres), est l’une des plus grandes réussites architecturales du siècle: son constructeur, Joseph Paxton, n’est pas un architecte. «Pour entendre la voix authentique du capitalisme anglais à l’heure de son plus grand triomphe, il suffit de parcourir le chapitre sur la construction du bâtiment dans le catalogue de l’exposition», remarque Francis Klingender (Art and the Industrial Revolution , 1947): le plus grand édifice érigé à ce jour (long de 1851 pieds, pour symboliser la date de sa construction, couvrant 74 000 m2) est achevé en six mois, d’une architecture très légère (fer et verre) et aisément démontable (après l’exposition, il est transporté à Sydenham comme «palais du Peuple», où il sera malheureusement détruit par un incendie en 1937). Assemblage d’éléments standardisés (vitres de la plus grande dimension possible à l’époque, et poutres métalliques) boulonnés étage par étage, le vaste vaisseau de verre (toiture en dents de scie et en berceau) est décrit par ses contemporains comme une toile impressionniste ou nuagiste dans laquelle le spectateur se perd.

Par rapport à cet édifice féerique, les bâtiments de l’Exposition universelle qui se tient à Paris en 1855 semblent une régression. Il s’agissait de surpasser les Anglais: les bâtiments sont donc plus grands (la portée de la voûte du palais de l’Industrie est de 44 mètres, alors que celle du Crystal Palace, inférieure à bien des exemples médiévaux, n’était que de 22 mètres), mais l’utilisation de la pierre (ajoutée sans aucune raison structurale au fer et au verre), la lourdeur des éléments verticaux (concession accordée à l’architecture officielle) détruisent toute nouveauté. C’est malheureusement ce principe qui sera repris pour le bâtiment de l’Exposition de Londres en 1862, dont l’architecture est lamentable. En 1867, réutilisant le Champ-de-Mars (délaissé depuis 1798), l’ingénieur Frédéric Le Play conçoit pour l’Exposition universelle un bâtiment ingénieux. L’Empire est alors triomphant, le capitalisme français a rattrapé son retard, le libéralisme l’emporte pour la première fois sur le protectionnisme: l’Exposition sera à l’image de cette évolution. Sept galeries concentriques (au centre, un jardin) et ovales sont conçues pour que le visiteur comprenne clairement la spécificité des productions nationales. «Des couloirs transversaux divisaient le hall en différents secteurs, de façon qu’on puisse suivre sans peine l’évolution de chaque pays, séparément et par rapport aux autres. C’était une tentative pour créer une statistique vivante», écrit S. Giedon. Le succès de l’Exposition (la participation d’Eiffel à la construction n’y est pas étrangère) donne lieu à des commentaires officiels satisfaits, à l’image de la boursouflure idéologique de l’époque: «Faire le tour de ce palais, circulaire comme l’équateur, c’est littéralement tourner autour du monde. Tous les peuples sont venus: les ennemis vivent en paix côte à côte. Ainsi qu’à l’origine des choses sur l’orbe des eaux, l’Esprit divin plane sur cet orbe de fer.»

Les Expositions universelles allaient se multiplier: à Londres en 1871, à Vienne en 1873, à Philadelphie en 1876. À Paris, en 1878, les bâtiments sont de petites galeries alignées sur la longueur du Champ-de-Mars, bordées par deux immenses salles des Machines, elles-mêmes jointes, du côté de la Seine, par un vestibule (construit par Eiffel); l’exposition se continue par le Trocadéro (en brique), de l’autre côté du fleuve. L’ingénieur H. de Dion, invente la ferme-treillis en deux éléments pour une voûte en coque de bateau, qui tient compte pour la première fois de l’élasticité du métal. Les séquelles de la voûte en berceau disparaissent, mais subsistent quelques traits anciens: le rattachement rigide au sol (canalisant toutes les forces de poussée vers les fondations) est encore tributaire de l’ordre classique (rapport entre la colonne et sa base). Une nouvelle distribution structurale de ces formes (réalisée plus tard par Eiffel, Maillart et Freyssinet dans leurs ponts) est cependant déjà en germe. Il s’agissait, pour le régime républicain, de démontrer le «relèvement de la Nation» après la défaite de 1870: cela fut fait sans trop d’éclat.

L’Exposition de 1889, elle, allait être un triomphe. Dû en premier lieu à la remarquable tour d’Eiffel, ce succès naît d’un choc: les progrès techniques avaient été tels entre 1878 et 1889 que le public est ahuri. Il suffit d’examiner l’extraordinaire galerie des Machines de Contamin et Dutert (stupidement détruite en 1910) pour comprendre sa réaction: longue de 420 mètres, d’une portée de 115 mètres, haute de 45 mètres, elle est le plus grand hall construit jusqu’alors. Les vingt poutres maîtresses qui soutiennent le toit de verre sont évidées, plus larges qu’épaisses, triplement articulées. Plus fines au sol (auquel elles ne sont pas fixées avec rigidité), elles s’élargissent en hauteur et organisent avec une légèreté jamais atteinte l’équilibre des tensions: «La dernière allusion aux colonnes avait disparu, il n’y avait plus aucune possibilité de vérifier le point de rencontre de la charge et du support», écrit encore Giedon. Cette Exposition est le point culminant d’une longue série: celle de Chicago en 1893 consacrera le retour des architectes officiels (qui veulent prendre leur revanche sur les ingénieurs), vaste confiserie de plâtre dont Sullivan dira qu’elle est «l’œuvre de l’académisme blafard qui nie la réalité, exalte la fiction et le mensonge» et que le dommage qu’elle a causé «sera encore sensible dans un demi-siècle». Quant à l’Exposition de Paris en 1900, on peut dire, sur le plan architectural du moins, qu’elle sera la consécration de la bêtise.

D’une certaine manière, c’est la fin des Expositions universelles de ce type: les industriels préféreront désormais les petites foires spécialisées et moins coûteuses; les pays hôtes ne pourront plus prendre à leur charge la construction globale des bâtiments. Ainsi voit-on apparaître des foires internationales de prestige, constituées (du point de vue architectural) d’une multitude de petits pavillons, foires destinées à masquer sous des apparences folkloriques ou modernistes les formidables coalitions de l’économie mondiale. Ainsi, pêle-mêle, Paris 1925 (Arts décoratifs), dont le clou est le pavillon soviétique construit par Melnikov; Barcelone 1929 (le pavillon le plus célèbre est le pavillon allemand, dû à Mies van der Rohe); puis Paris 1937 (décorations de Delaunay pour le pavillon de l’Air et celui des Chemins de fer); Bruxelles 1958 (pavillon Philips par Le Corbusier); Montréal 1967, sur le thème «Terre des hommes», Habitat 67 par Moshé Safdie, le pavillon de la R.F.A. par Frei Otto, le pavillon des États-Unis par Buckminster Fuller; 牢saka 1970, «Progrès et harmonie pour l’humanité», consacrait le triomphe du plastique (architecte en chef: Tange Kenz 拏). Enfin Séville 1992, probablement la dernière Exposition universelle du XXe siècle sur le thème «L’ère des découvertes» (le pont et viaduc d’Alamillo par Santiago Calatrava, auteur également du pavillon du Koweït, le pavillon du Japon par Tadao Ando).

Encyclopédie Universelle. 2012.

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